Rencontre avec une curatrice en protection de l'adulte

Il y a 6 ans, j’ai été engagée comme travailleuse sociale aux Services sociaux régionaux de la République et Canton du Jura pour exercer le travail de curatrice pour adulte.

Je suis engagée au titre de travailleuse sociale par les Services sociaux régionaux et je suis nommée curatrice par l’Autorité de Protection de l’Enfant et de l’Adulte (APEA) de Delémont pour intervenir dans des mandats de curatelles qui me sont confiés.

Les personnes que nous avons sous les mandats de curatelle n’ont, dans la plupart des situations, pas le choix de la curatelle. Elle leur est imposée par une décision rendue par l’APEA. De ce fait, je deviens leur curatrice même si elles n’y consentent pas.

Quand on parle du titre de « travailleur social », c’est une notion plus large. Les personnes engagées à ce titre peuvent intervenir dans différentes structures (par exemple Pro Infirmis, Pro Senectute, Caritas, etc.) mais, dans ces cas-là, elles effectuent du travail social à la demande des personnes et non par une décision d’autorité qui leur est imposée.

Il consiste généralement à représenter et soutenir les personnes dans certaines activités et démarches de citoyens ou quotidiennes, telles que :

  • De la gestion administrative, financière, des revenus et/ou de la fortune
    Par exemple : gérer l’argent des revenus et les dépenses, payer les factures, établir le budget, ...
     
  • De la santé et/ou du bien-être social
    Par exemple : veiller à son suivi médical et parfois l’accompagner à ses rendez-vous, entrenir les liens avec le réseau médical, …
     
  • Du logement
    Par exemple : s’assurer que le loyer est payé chaque mois, entretenir les relations avec le propriétaire, aider dans les recherches de nouveaux lieux de vie, …
     
  • De la coordination du réseau santé et/ou du réseau socio-professionnel
    Par exemple : contact avec les médecins, les aides de soins à domicile, ...
     
  • De l’insertion socio-professionnelle
    Par exemple : accompagner la personne dans des projets professionnels, de la formation, …

Cette liste de « tâches » est adaptée à la personne pour laquelle un mandat de curatelle est instauré. Dans chaque décision de mise en place d’une curatelle, l’APEA nomme un curateur et lui indique les tâches qui permettront de soutenir la personne dans ses activités et ses démarches de citoyens ou quotidiennes.

Depuis la mise en place du nouveau droit des curatelles (au 01.01.2013), les curatelles sont faites « sur-mesure » en fonction de la personne qui est concernée et de sa problématique. Plusieurs modèles sont alors possibles selon la combinaison des mandats.

Cela signifie que le rôle du curateur est différent d’une situation à une autre mais toujours dans un objectif de garantir le bien de la personne.

A noter que, en ce qui concerne l’exercice des droits civils, l’APEA peut les retirer de manière totale, on parle alors de curatelle de portée générale, ou les retirer de manière partielle (par exemple : retrait du droit de faire des contrats).

Il y a :

  • La curatelle d’accompagnement (art. 393 CC)
    Elle s’impose lorsque la personne qui a besoin d’aide doit être assistée et accompagnée pour certaines affaires. Elle n’est possible qu’avec le consentement de la personne concernée et ne limite en rien sa capacité d’action. Le curateur ou la curatrice n’ont aucun droit de représentation.
     
  • La curatelle de représentation (art. 394 CC) et de gestion du patrimoine (395 CC)
    Elle est mise en place lorsqu’étant incapable de conduire elle-même certaines affaires, la personne qui a besoin d’aide doit se faire représenter. La personne concernée est liée par les actes du curateur ou de la curatrice. Le cas échéant, sa capacité d’action s’en trouve limitée.
     
  • La curatelle de coopération (art. 396 CC)
    Elle est instituée lorsque la personne qui a besoin d’aide doit, pour sa propre sécurité, demander le consentement du curateur ou de la curatrice pour certains actes. Sa capacité d’action s’en trouve restreinte en ce qui concerne ces actes.

(Ces 3 curatelles peuvent se combiner (art. 397 CC) avec en plus des tâches spécifiques définies par l’APEA.)

  • La curatelle de portée générale (art. 398 CC)
    Elle peut être prescrite lorsque la personne concernée a particulièrement besoin d’aide.La personne concernée est privée, de par la loi, de l’exercice des droits civils.

Les activités d’une curatrice en protection de l’adulte sont vastes et dépendent de la situation de la personne pour laquelle un mandat est instauré. Dans la majorité des cas, il y a de la gestion administrative et financière.

Parmi les activités les plus récurrentes, il y a toutes les réponses à donner et les contacts à établir avec les réseaux de ces personnes pour veiller à leurs intérêts, dans les exemples les plus fréquents, il y a :

  • Les créanciers
  • Les institutions telle que l’AI,
  • Les employés de l’action sociale pour les budgets d’aide sociale
  • L’office des poursuites
  • Les propriétaires/gérances
  • Les médecins
  • Les services d’aide et de soins à domicile
  • Les administrations fiscales
  • Etc.

Dans certaines situations un peu plus spécifiques, il peut également y avoir des contacts avec l’employeur, avec la caisse maladie pour les indemnités, les décomptes de prestations …

Dans certaines situations, les tâches administratives peuvent déboucher sur d’autres interventions « sur-mesure » telles que :

  • Amener de l’argent directement à la personne
     
  • Comprendre pourquoi tout d’un coup il peut y avoir une augmentation des hospitalisations, si nécessaire demander un rapport santé et questionner le réseau de santé. En cas de péjoration de la situation, solliciter l’APEA pour faire un éventuel placement pour le bien de la personne
     
  • Accompagner une personne à son rendez-vous chez le médecin

Selon les tâches définies, on entre vraiment dans le quotidien des gens et parfois dans leur intimité mais cela dépend alors du lien de confiance qui peut s’installer entre le curateur et la personne dont on veille à l’intérêt.

Certaines personnes reconnaissent et acceptent qu’elles ont besoin d’aide, d’autres vont être dans la révolte au début du mandat et au fil du temps peuvent l’accepter. Une partie des personnes que nous suivons savent qu’elles ont besoin d’aide mais ne l’acceptent pas et la collaboration peut être difficile car on représente toutes les difficultés qui les ont amenés là où elles sont, on leur rappelle leur passé même si finalement on ne veut que leur bien.

La réponse à cette question est vraiment propre à chacun et je ne peux pas répondre à la place des curateurs.

Toutefois, pour moi, c’est une fonction qui me plait parce qu’elle est venue dans ma vie de manière tardive. C’est un poste dans lequel je n’aurais pas été à l’aise étant au début de ma carrière.

Pour pouvoir l’assumer, il fallait que je sois sûre d’avoir les armes pour pouvoir faire face car ce n’est pas rien de devoir représenter quelqu’un en sachant qu’il faut mettre un cadre et essayer de se faire respecter, de se positionner. Il fallait que je sois armée pour ne pas forcément aller dans le sens que la personne souhaite mais parfois contre sa volonté quand bien même c’est pour son bien.

Du coup, pour moi, l’annonce de ce poste est arrivée dans un tournant de ma vie où je me suis dit c’est maintenant, il faut que je me lance.

Quand on commence, c’est vraiment dur. On est tout le temps en train de devoir prioriser et prendre du recul parce qu’il y a d’une part les tâches administratives et d’autre part les personnes avec leurs problèmes. Parfois, il faut mettre en attente certaines démarches pour pouvoir aussi soigner le réseau tel que les gérances, la CCJU, … Il y a certains organismes auxquels il faut répondre tout de suite et qui chamboulent les priorités qu’on avait définies. L’organisation est compliquée, il faut pouvoir s’adapter.

Il faut un bon sens de l’organisation, faire preuve de bienveillance et aussi de beaucoup d’empathie y compris envers ses collègues car c’est aussi un travail où nous avons besoin de partager avec nos pairs les situations complexes que nous vivons car l’équipe est là pour nous soutenir.

Il est important de se respecter dans l’exécution des tâches qu’on peut avoir dans les tandems que l'on forme avec les secrétaires comptables qui nous épaulent dans chaque situation.

Chaque situation est différente en fonction de la pratique du curateur et de son pourcentage de travail. Les imprévus font partie de notre quotidien et toute notre organisation peut changer d’un instant à l’autre.

Mais, pour moi, elle pourrait être la suivante :

Elle va commencer par la lecture des e-mails et l’ouverture du courrier. Je vais alors traiter toutes les demandes qui nécessitent d’avoir une réponse immédiate.

Ensuite, le planning s’adapte en fonction de ce qui est prévu mais je vais répondre au téléphone à chaque fois que je le peux et que c’est nécessaire. Sur la journée, j’aurai fixé des rendez-vous, réservé des plages horaires pour du travail administratif, mais, parfois, des personnes viennent spontanément pour être reçues et j’essaie de m’adapter à leur mode de fonctionnement dans la mesure où mon organisation me le permet.

J’ai aussi des moments dans le mois où je devrai préparer les budgets d’aide sociale.A cette période-là, je fais en sorte de planifier le temps nécessaire.

Et il ne faut pas oublier les colloques hebdomadaires des curateurs qui font aussi partie de mon emploi du temps.

Mes journées se terminent parfois par un entretien ou une visite à domicile, par un dernier courrier ou un dernier téléphone.

En résumé, je n’ai pas 2 journées qui se ressemblent car je dois pouvoir m’organiser en fonction des nombreux imprévus qui peuvent surgir.