Rencontre avec une curatrice en Protection de l'enfant

Je suis assistante sociale à la Protection de l'enfant. J'y travaille depuis 5 ans et demi.

Oui, il s'agit de la formation dispensée par la Haute école en travail social avec la filière « assistant social ».

Il consiste principalement à répondre à des mandats de l'autorité de protection de l'enfant et l'adulte (APEA). Ce sont des mandats aux sens de différents articles du Code civil. Il y peut y avoir :

  • Curatelle éducative art. 308, al. 1 du CC
    Les curateurs ont des tâches telles que soutenir et accompagner les familles dans l'éducation de leurs enfants. Il s'agit aussi de s'assurer qu'elles mettent en place ce qui est nécessaire pour leurs enfants et leur protection.
     
  • Curatelle art. 308, al. 2 du CC
    Elle s'applique en général lors des séparations conflictuelles. Les curateurs interviennent auprès des parents et des enfants pour s'assurer que le conflit des parents ne prétérite pas le bon développement de l'enfant.

    Ces alinéas peuvent se combiner et l'APEA peut délivrer des mandats au sens de l'article 308 alinéas 1 et 2 du CC et là on travaille sur ces deux versants, c'est-à-dire la curatelle au sens éducatif et aussi la gestion des relations personnelles entre l'enfant et ses parents.
     
  • Curatelle art. 308, al. 3 du CC
    L'APEA limite une partie de l'autorité parentale des parents dans des domaines précis, c'est-à-dire que les curateurs peuvent être amenés à prendre des décisions liées à la santé de l'enfant par exemple.
     
  • Droit de regard et d’information art. 307 al. 3 du CC
    Avec du recul, les curateurs s'assurent que les parents font le nécessaire pour leurs enfants et pour les protéger. S'il existe des éléments inquiétants, alors les curateurs pourront demander une mesure de protection plus conséquente à l'APEA, tel qu'un mandat au sens des articles 308 al. 1 CC et/ou 2 CC.
     
  • Mandats de gestion financière
    Les parents ne remplissent plus leurs obligations quant à la gestion des biens administratifs de leur enfant. Les curateurs vont alors reprendre cette gestion à la place des parents.
     
  • Mandat de tutelle art. 327a du CC
    Les curateurs ont l'autorité parentale sur les enfants. Cette mesure peut s'appliquer en cas de décès des parents par exemple.
     

Comme autres tâches qui ne sont pas des mandats, il peut également y avoir :

  • Les suivis sans mandat 
    A la demande de parents, nous pouvons accompagner une famille lorsque les parents se trouvent en difficulté pour répondre aux besoins de leurs enfants.
     
  • La permanence-conseil en protection de l'enfant
    Cette permanence-conseil s'organise un après-midi par semaine, le mardi à Porrentruy et le jeudi à Delémont en alternance. Les curateurs répondent et orientent la personne qui prend rendez-vous à la permanence-conseil. En cas de besoin, un suivi sans mandat est proposé à la famille. La permanence est ouverte à toute personne, notamment des parents, un jeune ou encore un professionnel travaillant avec des mineurs.

    La permanence-conseil en protection de l'enfant est libre pour chacun et nous ne dévoilons pas qui l'utilise et ne faisons aucune démarche sans l'accord de la personne reçue. La seule exception porte sur des informations de maltraitances que subirait un enfant où nous sommes tenus par la loi à signaler ceux-ci afin de protéger l'enfant.
     
  • La prévention
    Tout assistant social travaillant dans le secteur de la protection de l'enfant peut être amené à travailler dans cette équipe de prévention. Il y a actuellement 3 personnes qui la constituent et qui développent des projets de prévention. Le but de ce pôle prévention est de pouvoir développer notre offre aux familles et aux professionnels afin de pouvoir intervenir au plus tôt quand un enfant a besoin de soutien, et ainsi tenter d'éviter une péjoration de sa situation si l'aide intervient trop tardivement.
     
  • La participation au colloque, à des formations et des supervisions
    La pratique réflexive est essentielle dans notre métier. Il est important de consulter l'équipe des curateurs et/ou notre supérieur hiérarchique lorsqu'il y a besoin d'avoir un regard croisé sur une situation. Les supervisions et les formations permettent de questionner notre pratique et d'outiller les curateurs.

L'activité principale consiste à répondre aux mandats de l'APEA. L'aide est contrainte, c'est-à-dire que la demande vient de l'APEA et non des parents. Ainsi, le travail consiste à accompagner les parents pour qu'ils puissent trouver des moyens et les mettre en place pour veiller au bon développement de leurs enfants et donner les garanties nécessaires à l'APEA quant à leurs capacités parentales. Si les parents ne sont pas en mesure de mettre en place ce qui est nécessaire pour leurs enfants en fonction de la décision de l'APEA, le curateur sera dans l'obligation de signaler la situation des enfants à l'APEA et des mesures plus conséquentes pourront être décidées. 
 

Ensuite, il y a l'accompagnement volontaire de familles, dans des situations où les parents :

  • Sont en grandes difficultés et demandent qu'on évalue la nécessité d'un placement de leurs enfants en institution ou en famille d'accueil.
     
  • Sont démunis pour un sujet spécifique avec leur enfant et qu'ils estiment que l'accueil éducatif en milieu ouvert (AEMO) serait trop conséquent pour traiter ce sujet.
     
  • Se séparent et sont au début de la procédure de séparation ou de divorce, qu'ils doivent s'entendre sur la garde de leur enfant alors qu'aucune décision n'a encore été prise et qu'ils ne savent pas comment construire un planning de garde par exemple, avec les règles usuelles.

Je suis éducatrice de formation. J'ai travaillé plusieurs années avec des adultes et j'avais envie de changer d'orientation. J'avais aussi eu, entre temps, des enfants. Je pense que j'étais peut-être plus sensible à ce qui se passait avec les enfants et j'avais l'envie de travailler davantage avec les familles.
 

Les débuts étaient terribles dans le sens où je viens du monde de l'éducation et que c'est un rythme de travail complétement différent. Dans l'éducation, il y a une grande partie relationnelle et une petite partie administrative alors que dans le secteur de la Protection de l'enfant, il y a évidemment une partie relationnelle mais aussi une grande partie administrative que je découvrais à ce moment-là. La masse de travail m'a demandé d'apprendre à m'organiser pour être efficace et savoir gérer les priorités. Ce sont des apprentissages qu'il a fallu rapidement acquérir pour éviter de se faire submerger par certaines situations. Ces apprentissages, j'ai pu les faire avec l'aide de mes collègues, on est une équipe qui se soutient, et aussi grâce à toutes les formations que j'ai suivies.

Il y en a plusieurs mais pour moi, je dirais qu'il faut :

  • Des capacités relationnelles
    Il faut pouvoir entendre ce que vivent les familles dans leurs difficultés et les rejoindre en partie, rejoindre aussi l'enfant, mais tout en sachant poser un cadre et en n'oubliant pas que, dans la plupart des mandats, on est dans des mesures contraignantes. Il faut pouvoir être capable de les écouter et de les ramener dans le cadre qui est définit par l'APEA. L'équilibre n'est pas toujours facile à trouver.
     
  • Des capacités à pouvoir se recentrer sur l'enfant
    Parfois, les parents et leurs conflits prennent tellement de place que les intérêts de l'enfant ne sont plus défendus. Même si on reconnait les difficultés qu'ils vivent, il faut pouvoir remettre les besoins de l'enfant au centre des priorités.
     
  • Savoir gérer les priorités
    On peut vite être happé dans des situations que ça soit par des professionnels ou les familles et, parfois, on fait davantage que ce qui nous est demandé au détriment d'autres situations. D'autant plus que le temps à investir est relativement variable d'une situation à l'autre et selon les périodes. Si les demandes sont légitimes et que le temps de travail ne permet pas d'intervenir en même temps pour toutes les situations, il est important de travailler selon le degré d'urgence.

Je pense qu'il n'en existe pas dans le secteur de la Protection de l'enfant et je ne pourrai donc pas répondre à cette question. Le matin, on peut penser qu'on va faire une journée un peu « type » durant laquelle on va faire les rendez-vous qu'on a fixés et réaliser les tâches administratives planifiées mais ça ne se passe jamais comme prévu. Il existe un grand nombre d'imprévus qui génère une adaptation du programme de la journée. C'est un travail qui demande une certaine souplesse et une capacité à s'adapter rapidement.